Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/107

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une pension de jeunes filles. Le jour, elles doivent y gazouiller comme des oiseaux dans les ruines. Parmi celles qui sont endormies, il est plus d’une enfant qui, aux premières vacances de Pâques, éveillera dans le cœur d’un jeune adolescent la grande impression sacrée et peut-être que déjà… — Chut ! on a parlé ! Une voix très douce vient d’appeler (tout bas) : « Paul !… Paul ! » Une robe de mousseline blanche, une ceinture bleue ont flotté, un instant, près de ce pilier. Une jeune fille semble parfois une apparition. Celle-ci est descendue maintenant. C’est l’une d’entre elles ; je vois la pèlerine du pensionnat et la croix d’argent du cou. Je vois son visage. La nuit se fond avec ses traits baignés de poésie ! Ô cheveux si blonds d’une jeunesse mêlée d’enfance encore ! Ô bleu regard dont l’azur est si pâle qu’il semble encore tenir de l’éther primitif !

Mais quel est ce tout jeune homme qui se glisse entre les arbres ? Il se hâte ; il touche le pilier de la grille.

— Virginie ! Virginie ! c’est moi.

— Oh ! plus bas ! me voici, Paul !

Ils ont quinze ans tous les deux !

C’est un premier rendez-vous ! C’est une page de l’idylle éternelle ! Comme ils doivent trembler de joie l’un et l’autre ! Salut, innocence divine ! souvenir ! fleurs ravivées !

— Paul ! mon cher cousin !

— Donnez-moi votre main à travers la grille, Virginie. Oh ! mais est-elle jolie, au moins ! Tenez, c’est