Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/125

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à un régime exaspérant — (continuel !) — d’épices extramordantes et de condiments dont la saveur ardente et fine lui convulse le goût, le brise et l’affole, pour avoir votre fidèle portrait la quinzaine suivante.

La savante charmeuse s’est amusée, parfois, à tirer des larmes de désespoir à de vieux lords blasés, car on ne la séduit que par le plaisir. Son projet, d’après quelques phrases, est d’aller s’ensevelir dans un cottage d’un million sur les bords de la Clyde, avec un bel enfant qu’elle s’y distraira, languissamment, à tuer à son aise.

Au moral, le sculpteur C-B*** la raillait, un jour, sur le terrible petit signe noir qu’elle possède près de l’un des yeux :

— L’Artiste inconnu qui a taillé votre marbre, lui disait-il, a négligé cette petite pierre.

— Ne dites pas de mal de la petite pierre, répondit Susannah : c’est celle qui fait tomber.

C’était la correspondance d’une panthère.

Chacune de ces femmes nocturnes avait à la ceinture un loup de velours, vert, rouge ou noir, aux doubles faveurs d’acier.

Quant à moi (s’il est bien nécessaire de parler de ce convive), je portais aussi un masque ; moins apparent, voilà tout.

Comme au spectacle, en une stalle centrale, on assiste, pour ne pas déranger ses voisins, — par courtoisie, en un mot, — à quelque drame écrit dans un style fatigant et dont le sujet vous déplaît, ainsi je vivais par politesse.