Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

regardés. Le Sénat avait donné, sur-le-champ, des ordres pour la défense de la Ville. De là ces retranchements creusés en hâte, car Sparte, par orgueil, ne se fortifiait à l’ordinaire que de ses citoyens.

Une ombre avait dissipé toutes les joies. On ne croyait plus aux discours des pasteurs ; les sublimes nouvelles furent oubliées, d’un seul coup, comme des fables ! Les prêtres avaient frissonné gravement. Des bras d’augures, éclairés par la flamme des trépieds, s’étaient levés, vouant aux divinités infernales ! Des paroles brèves avaient été chuchotées, terribles, aussitôt. Et l’on avait fait sortir les vierges, car on allait prononcer le nom d’un traître. Et leurs longs vêtements avaient passé sur les Ilotes, couchés, ivres de vin noir, en travers des degrés des portiques, lorsqu’elles avaient marché sur eux sans les apercevoir.

Alors retentit la nouvelle désespérée.

Un passage désert dans la Phocide avait été découvert aux ennemis. Un pâtre messénien avait vendu la terre d’Hellas. Éphialtès avait livré à Xerxès la mère patrie. Et les cavaleries perses, au front desquelles resplendissaient les armures d’or des satrapes, envahissaient déjà le sol des dieux, foulaient aux pieds la nourrice des héros ! Adieu, temples, demeures des aïeux, plaines sacrées ! Ils allaient venir, avec des chaînes, eux, les efféminés et les pâles, et se choisir des esclaves parmi tes filles, Lacédémone !

La consternation s’accrut de l’aspect de la montagne, lorsque les citoyens se furent rendus sur la muraille.