Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/199

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la vitre de quelque fiacre, jouir de mon triomphe au milieu de la foule épouvantée ! de bien recueillir les malédictions des mourants, — et de gagner le train du Nord-Ouest avec des remords sur la planche pour le reste de mes jours. Ensuite, j’irai me cacher dans mon phare ! dans la lumière ! en plein Océan ! où la police ne pourra, par conséquent, me découvrir jamais, — mon crime étant désintéressé. Et j’y râlerai seul. — (Chaudval ici se redressa, improvisant ce vers d’allure absolument cornélienne :)

Garanti du soupçon par la grandeur du crime !

C’est dit. — Et maintenant — acheva le grand artiste en ramassant un pavé après avoir regardé autour de lui pour s’assurer de la solitude environnante — et maintenant, toi, tu ne reflèteras plus personne.

Et il lança le pavé contre la glace qui se brisa en mille épaves rayonnantes.

Ce premier devoir accompli, et se sauvant à la hâte — comme satisfait de cette première mais énergique action d’éclat — Chaudval se précipita vers les boulevards où, quelques minutes après et sur ses signaux, une voiture s’arrêta, dans laquelle il sauta et disparut.

Deux heures après, les flamboiements d’un sinistre immense, jaillissant de grands magasins de pétrole, d’huiles et d’allumettes, se répercutaient sur toutes les vitres du faubourg du Temple. Bientôt les escouades des pompiers, roulant et poussant leurs appareils,