Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/230

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et de cette victoire de l’Hesbaie où, déserté par les Flamands, il s’acquit l’héroïque surnom de Sans Peur devant toute l’armée en délivrant la France d’un premier ennemi ; — c’était en ces jours, disons-nous, que le fils de Philippe le Hardi et de Marguerite II, que Jean sans Peur, enfin, déjà songeait à défier, à feu et à sang, pour sauver la Patrie, Henri de Derby, comte de Hereford et de Lancastre, cinquième du nom, roi d’Angleterre, et qui, — lorsque sa tête fut mise à prix par ce roi, — n’obtint de la France que d’être déclaré traître.

On s’essayait gauchement aux premiers jeux de cartes importés, depuis quelques jours, par Odette de Champ-d’Hiver.

Des paris de toute nature étaient tenus ; on buvait là des vins provenus des meilleurs coteaux du duché de Bourgogne. Les Tensons nouveaux, les Virelais du duc d’Orléans (l’un des sires des Fleurs-de-Lys qui ont raffolé le plus des belles rimes) cliquetaient. On discutait modes et armureries ; souvent l’on chantait des couplets dissolus.

La fille de ce richomme, Bérénice Escabala, était une aimable enfant, des plus jolies. Son sourire virginal attirait l’essaim fort étincelant des gentilshommes. Il était de notoriété que la grâce de son accueil était indistincte pour tous.

Un jour, il advint qu’un jeune seigneur, le vidame de Maulle, qui était alors le favori d’Ysabeau, s’avisa d’engager sa parole (après boire, certes !) qu’il triompherait de l’inflexible innocence de la fille de ce