Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/257

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mon saisissement, retentirent, dans l’intérieur de cette demeure, comme les vibrations d’un glas.

Ces sortes de vues, étant plutôt morales que physiques, s’effacent avec rapidité. Oui, j’étais, à n’en pas douter une seconde, la victime de cet abattement intellectuel que j’ai signalé. Très empressé de voir un visage qui m’aidât, par son humanité, à en dissiper le souvenir, je poussai le loquet sans attendre davantage. — J’entrai.

La porte, mue par un poids d’horloge, se referma d’elle-même, derrière moi.

Je me trouvai dans un long corridor à l’extrémité duquel Nanon, la gouvernante, vieille et réjouie, descendait l’escalier, une chandelle à la main.

— Monsieur Xavier !… s’écria-t-elle, toute joyeuse en me reconnaissant.

— Bonsoir, ma bonne Nanon ! lui répondis-je, en lui confiant, à la hâte, ma valise et mon fusil.

(J’avais oublié ma houppelande dans ma chambre, au Soleil d’or.)

Je montai. Une minute après, je serrai dans mes bras mon vieil ami.

L’affectueuse émotion des premières paroles et le sentiment de la mélancolie du passé nous oppressèrent quelque temps, l’abbé et moi. — Nanon vint nous apporter la lampe et nous annoncer le souper.

— Mon cher Maucombe, lui dis-je en passant mon bras sous le sien pour descendre, c’est une chose de toute éternité que l’amitié intellectuelle, et je vois que nous partageons ce sentiment.