Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/295

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vation, je résolus, étant désœuvré, d’approfondir l’énigme.

Oui, par un légitime ennui, par une de ces frivolités dont tout philosophe est capable à ses heures (et qu’il ne faut point se hâter de blâmer outre mesure), je formai le dessein de rechercher, dès que s’en offrirait l’occasion, jusqu’à quel degré de l’épiderme cette couche de vernis pudique avait pénétré chez elle, ne doutant pas que les premières égratignures d’une conversation savamment épicée n’en fissent sauter, pour le moins, quelques écailles.

Hier, avenue de l’Opéra, je rencontrai la mystérieuse enfant, toute moulée de faille noire, une rose rouge-sang à la ceinture, un gainsborough sur son ovale et fin visage.

Maryelle compte aujourd’hui vingt-cinq automnes ; elle n’est qu’un peu pâlie, toujours svelte, excitante, avec sa beauté de tubéreuse, pimentée d’une distinction de vicomtesse de théâtre, et son je ne sais quel charme dans les yeux.

Entre deux banalités de circonstance et la trouvant moins cérémonieuse que je ne m’y attendais, je l’invitai, sans autres façons, à venir dîner au Bois, seule à seul, dans un moulin de couleur quelconque, histoire de s’ennuyer de concert, — les premiers soirs de notre énervant septembre devant aider, pensai-je, à ses expansives confidences.

Elle déclina d’abord, puis, comme séduite par mon insouciant ton de réserve, elle accepta. Cinq heures sonnaient. Nous partîmes.