Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/350

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aussi ensommeillées, et qui, naïves, le front sur son sein, tiennent encore, comme lui, des osselets d’ébène entre leurs doigts d’enfants surpris par le naturel repos.

— Déchirons nos vêtements ! crient les Hébreuses épouvantées. — De la cendre, esclaves !…

Tel le vent d’orage courbe les plantes et leur souffle des mots sans suite.



Mais le roi Salomon n’est, essentiellement, ni dans la Salle, ni dans la Judée, ni dans les mondes sensibles, — ni, même, dans le Monde.

Depuis longtemps son âme est affranchie ; — elle n’est plus celle des hommes ; — elle habite des lieux inaccessibles, au delà des sphères révélées.

Vivre ? Mourir ?… Ces paroles ne touchent plus son esprit passé dans l’Éternel.

Le Mage n’est que par accident où il paraît être. Il ne connaît plus les désirs, les terreurs, les plaisirs, les colères, les peines. Il voit ; il pénètre. Dispersé dans les formes infinies, lui seul est libre. Parvenu à ce degré suprême d’impersonnalité qui l’identifie à ce qu’il contemple, il vibre et s’irradie en la totalité des choses.

Salomon n’est plus dans l’Univers que comme le jour est dans un édifice.