Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/351

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Où sont, à présent, les danses du Bourg-de-Volupté ? les éclats des cymbales ? le bourdonnement des lyres ?… Un souffle a dissipé ce rêve.

On étouffe, on chancelle sur les tapis sombres, on assiège le Trône.

Ben-Jëhu, le sar-des-gardes, a fait un signe : ses guibborim vont tendre leurs lances d’airain contre la foule…

Mais les lynx invulnérables grondent ; leurs trente-trois têtes forment une hydre pareille à la queue d’un paon qui se déploie : on recule ; la frayeur distend toutes les prunelles.

Aveuglés par l’ivresse des consternations subites, les convives ne se sont pas aperçus de ce qui se passe autour d’eux. Pourtant sur eux pèse une influence souveraine.

Insensiblement les torches ont pâli ; les glaives ont perdu leurs reflets ; les parfums des encensoirs sont devenus amers ; l’eau du Temps mortel a cessé de couler des horloges ; les rumeurs ne trouvent plus dans l’air ni vibrations, ni échos. — Voici : des chuchotements, par milliers, et, cependant, très distincts, se répondent ; la foule hurlante semble parler à voix basse.

Une intensité croissante d’obscurité a suffoqué les lampes, les torches, les lumières ; on se heurte dans des vagues de brouillard : le palais de Salomon,