Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/98

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sible, parut s’empreindre d’un grand étonnement triste. Elle tressaillit même : puis, muette, approcha le papier des bougies allumées. — Laissant tomber ensuite, sur les dalles, la lettre qui se consumait :

— Mylords, dit-elle à ceux des pairs qui se trouvaient présents à quelques pas, vous ne reverrez plus notre cher duc de Portland. Il ne doit plus siéger au Parlement. Nous l’en dispensons, par un privilège nécessaire. Que son secret soit gardé ! Ne vous inquiétez plus de sa personne et que nul de ses hôtes ne cherche jamais à lui adresser la parole.

Puis congédiant, d’un geste, le vieux courrier du château :

— Vous direz au duc de Portland ce que vous venez de voir et d’entendre, ajouta-t-elle après un coup d’œil sur les cendres noires de la lettre.

Sur ces paroles mystérieuses, Sa Majesté s’était levée pour se retirer en ses appartements. Toutefois, à la vue de sa liseuse demeurée immobile et comme endormie, la joue appuyée sur son jeune bras blanc posé sur les moires pourpres de la table, la reine, surprise encore, murmura doucement :

— On me suit, Héléna ?

La jeune fille persistant dans son attitude, on s’empressa auprès d’elle.

Sans qu’aucune pâleur eût décelé son émotion, — un lys, comment pâlir ? — elle s’était évanouie.


Une année après les paroles prononcées par Sa Majesté, — pendant une orageuse nuit d’automne,