Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/172

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Le ruissellement de la délicieuse mélodie se termina par une pluie de notes mélancoliques. Cette voix, venue de la nature et qui rappelait les bois, le ciel et l’immensité, paraissait étrange en ce lieu.


IV

Dieu


Dieu est le lieu des esprits, comme l’espace est celui des corps.
Malebranche.


Lord Ewald écoutait.

― C’est beau, cette voix, n’est-ce pas, milord Celian ? dit Hadaly.

― Oui, répondit lord Ewald en regardant fixement la noire figure indiscernable de l’Andréïde ; c’est l’œuvre de Dieu.

― Alors, dit-elle, admirez-la : mais ne cherchez pas à savoir comment elle se produit.

― Quel serait le péril, si j’essayais ? demanda en souriant lord Ewald.

― Dieu se retirerait du chant ! murmura tranquillement Hadaly.

Edison entrait.

― Ôtons nos fourrures ! dit-il : car la température est, ici, réglée et délicieuse ! ― C’est ici l’Eden perdu… et retrouvé.

Les deux voyageurs se dégagèrent des lourdes peaux d’ours.

― Mais, continua l’électricien (du ton soupçonneux d’un Bartholo qui voit sa pupille converser avec un Almaviva), vous en étiez déjà, je crois,