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En prononçant ces derniers mots, Edison s’était levé et avait tiré une cordelette qui tombait du plafond le long d’une tenture.


IV

Danse macabre


« Et c’est un dur métier que d’être une belle femme ! »
Charles Baudelaire.


Une longue lame d’étoffe gommée, incrustée d’une multitude de verres exigus, aux transparences teintées, se tendit latéralement entre deux tiges d’acier devant le foyer lumineux de la lampe astrale. Cette lame d’étoffe, tirée à l’un des bouts par un mouvement d’horloge, commença de glisser, très vivement, entre la lentille et le timbre d’un puissant réflecteur. Celui-ci, tout à coup, ― sur la grande toile blanche, tendue en face de lui, dans le cadre d’ébène surmonté de la rose d’or, ― réfracta l’apparition en sa taille humaine d’une très jolie et assez jeune femme rousse.

La vision, chair transparente, miraculeusement photochromée, dansait, en costume pailleté, une sorte de danse mexicaine populaire. Les mouvements s’accusaient avec le fondu de la Vie elle-même, grâce aux procédés de la photographie successive, qui, le long d’un ruban de six coudées, peut saisir dix minutes des mouvements d’un être sur des verres microscopiques, reflétés ensuite par un puissant lampascope.

Edison, touchant une cannelure de la guirlande