Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/239

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besogne ! écrire, muettes, ces divagations déraisonnables ! Attendre, des fois, une heure, des vers qu’il faut souvent raturer… Et quand nous dormons sur le papier, nous réveiller à jeun, parfois, — et faire aller la plume… et toujours et encore mettre du noir sur du blanc… et jeter là dedans notre jeunesse annulée… alors qu’il y a là-bas, dans Londres, de bons abris, des tables bien servies et de beaux jeunes hommes, — qui vous feraient un accueil charmant !

Elle se tut.

— Mauvaises pensées ! Résigne-toi !

— Des mots ! Tu as faim, j’ai faim !… Voilà la vérité.

— Lui aussi a faim et ne se plaint pas, et de plus il souffre de vous savoir dans une détresse dont il est la cause.

— Allons ! Deux choses le nourrissent : l’orgueil et la foi. Les poètes sont des êtres qui prennent une distraction pour but, au mépris des leurs et des peines qu’ils font