Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/240

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supporter à ce qui les entoure. Rien ne les atteint ! ils sont au fond de leurs rêves ! Ô vanité ! Dire qu’il s’imagine que ce « Paradis perdu » dominera les mémoires dans la Postérité ! Dérision ! Le libraire n’en donnera pas ce qu’a coûté le papier, — qu’il préfère même à notre pain. Bientôt nous serons en haillons, mais il est aveugle et c’est de ses rimes, non de ses filles, qu’il est fier !… Et bourru jusqu’à nous battre ! Non : c’est trop, je n’obéirai plus !

— Que veux-tu qu’il fasse ?

— Ne plus être ! Alors on pourrait changer de nom, s’expatrier, vivre ! Ma sœur est jolie et je suis belle. Eh bien, après ?

— Et ton honneur, enfant ! comme tu en parles !

— L’honneur des filles d’un vieux régicide ?… D’un homme qui a participé à tuer celui qui seul donne un sens à ce mot, — l’honneur ? Tu plaisantes, ma mère. Nous avons droit à l’honnêteté, voilà tout… On