Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/245

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juste, isolément, est souvent le plus exact, s’il vient d’ensemble : car il n’y a pas de mots, en réalité : le seul poète est celui qui ne peut qu’aboyer magnifiquement sa pensée… la rugir parfois, — la tonner souvent… Mais on ne l’entend jamais que dans des rafales… Tant pis pour ceux qui n’entendent pas la langue du pays d’où souffle en mes vers le vent de l’éternité…

» … Et pour donner à démarquer le ronronnement du vers, les images, les expressions, les tours d’intelligence, le mouvement de la pensée, — cela se prend comme rien, sans le savoir ! Et avec un peu de main, on ne copie pas, on singe. On fait servir cela à n’importe quelle niaiserie… qui passera oubliée, mais qui, aujourd’hui, empêche l’attention sur l’œuvre d’où procède cette bulle vide… et seule payée, — car le monde creux ne paie et n’estime que le vide… Qu’importe ! la pensée seule vivra : les mots changent et se démodent vite ; la