Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/113

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l’Orient, de toutes les Russies et des deux Amériques, divers milliers d’auditeurs, — amis, ennemis, qu’importe ! Ils accourront, également, quittant, sans regrets, familles, foyers, patries, intérêts financiers — (fi-nan-ciers ! entends-tu, digne, ineffable ami ?), — bravant naufrages, dangers et distances, enfin, pour entendre aussi, pendant des centaines d’heures consécutives, au prix de quatre ou cinq cents francs leur stalle, — quoi ?… ma mu-sique.

Mon Théâtre, exclusif, s’élèvera, en Europe, sur quelque montagne dominant telle cité que mon caprice, tout en l’enrichissant à jamais, immortalisera ! — Là, disons-nous, mes invités arriveront, au bruit des canons, des tambours furieux, aux triomphales sonneries des clairons, aux bondissements des cloches, aux flottements radieux des longues bannières. Et, à pied, en essuyant la sueur de leurs fronts, pêle-mêle, avec lesdites Altesses et Majestés, tous graviront fraternellement ma montagne.

Alors, comme j’aurai lieu de redouter que la furie de leur enthousiasme — qui sera sans exemple dans les fastes de notre espèce — ne nuise à l’intensité de l’impression qu’avant tout doit laisser ma mu-sique, je pousserai l’impudence jusqu’à défendre d’applaudir.

Et tous, par déférence pour cette musique, ne laisseront éclater qu’à la fin de l’Œuvre toute la plénitude de leur exaltation. — Bon nombre d’entre eux accepteront même d’être, au milieu de