Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/141

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cile que de lui obéir, il se trouve qu’il est très dur aux « gens sérieux » de faire maigre juste ce jour-là.)

Bien. Si ces ventres se|taisaient,en faisant gras… peut-être n’aurais-je rien à dire. Mais c’est qu’ils parlent, ces ventres ! C’est qu’ils se moquent alors, tout haut et bruyamment, du Paradis, perdu pour une pomme ! Et qu’ils en font rire les incertains. — Certes, s’ils essayaient de se priver, d’abord, en esprit d’Espérance, d’un morceau de viande le jour en question, peut-être pourraient-ils s’apercevoir que la « légende » n’est pas aussi absurde qu’ils l’affirmaient la veille. Or non seulement, vous dis-je, ils n’essayent rien, sous prétexte que ce serait « trop facile », mais ils prêchent, verre en main, leurs « convictions » aux esprits tièdes qui, bientôt, les imitent ; — ce qui conduit ces messieurs et leurs prosélytes à paraître, tour à tour, devant Dieu, sans un fétu dans leur bagage, sinon leur scandale. Encore une fois, je n’aurais pas à les juger, n’était leur propagande ! C’est là ce qui me donne le droit et me fait un devoir, à moi chrétien, d’en être le préservatif dans la mesure de mes forces. Ce n’est pas contre leur conduite privée, — contre leur lâcheté devant leurs instincts, — mais contre leurs contagieuses paroles, que je me bats. Et je me trouve mission d’en paralyser, comme je le puis, l’action dangereuse.

Beau crime, de dégonfler ces ballons en les piquant d’une plume ! J’ai la haine sainte que redoutent ces Jocrisses ; je l’utilise. Pourquoi pas ?