Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/15

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essayé, à leur tour, de pousser de terrifiants cris d’aigles planant sur des proies.

— Ah ! ce fut un beau jour, celui-là, pour les hôtes de cette Île singulière ! Quel jubilé ! Une trêve sembla conclue avec le ciel jusqu’alors inclément. C’est que, si les animaux peuvent être assez facilement abusés sur les bruits de la nature, en revanche ils discernent à merveille, entre eux, l’en-dedans de leurs voix, en reconnaissent le timbre intime : comment donc, cette fois, eussent-ils été dupes une seconde ? En la candeur de leur instinct, ils s’étaient dit, tout bonnement, en langue obscure :

— Tiens, les perroquets sont dehors : il fera beau cejourd’hui !

Aussi, toute la journée, pendant que nos emplumés sycophantes s’épuisaient à contre-faire les clameurs d’imminents aigles aux serres ouvertes se précipitant, farouches, sur toutes les têtes, l’on s’était, — sans même s’apercevoir du sujet de ces exercices, — enivré de soleil, d’herbées, de rosée et de fleurs.

Une autre fois, les perroquets avaient voulu se faire les échos du rugissement, monté jusqu’à leur olympe, d’un sauvage lion des lointains, qui gourmandait sans doute le tonnerre de gronder de si saugrenue façon.

Notre aréopage, hélas ! avait constaté, en cette nouvelle tentative, un insuccès égal, pour le moins, au précédent. Les affamés et féroces rugissements que les gosiers des plus hargneux kakatoës et des