Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/166

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par les livres de hasard pris à l’affreux cabinet de lecture — au moment, enfin, d’y renoncer et de borner leurs espoirs à de peu variées causeries (coupées, même, d’éperdues parties de cartes) entre eux seuls — voici que de fantasmatiques ouvrages, traitant des phénomènes dits de spiritisme, leur sont tombés entre les mains. Par manière de tuer le temps, et mus aussi par une certaine curiosité sceptique, — ils se sont risqués en de falotes et gouailleuses expériences. On s’évertuait, s’excluant du « monde », à se créer des relations de « l’autre monde ». Remède héroïque ! soit ; mais, à tout prendre, jouer aux petits papiers avec de belles défuntes (s’il se pouvait) leur semblait beaucoup moins insipide que d’écouter les propos des gens du lieu.

Donc, en leurs soyeux petits salons, l’un mauve, l’autre bleu pâle, sortes de boudoirs meublés avec un goût tendrement suggestif, qu’éclairait à peine la lueur — tamisée par le riche abat-jour à rubans — de la lampe baissée, ils se sont livrés à de d’abord anodines et gauches évocations. — Ah ! quelle source d’agréables soirées, pourtant, s’il leur était tôt ou tard donné de discerner de ravissants mânes, — d’exquises ombres, assises sur ces coussins aux nuances éteintes, qu’ils disposèrent à cet effet !… Aussi, lorsqu’après diverses tentatives passablement dérisoires leurs guéridons respectifs se mirent — là, tout à coup, sous leurs prunelles à la longue hypnotisées — à remuer, tourner et parler, ce fut, en tout leur être, une liesse profonde. Un filon