Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/167

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d’or apparaissait à ces délicieux porions perdus en une mine d’insignifiance.

Leur nostalgie devait se prêter bien vite, et volontiers, à tout un ensemble de concessions que, d’ailleurs, certains effets réels sont de nature à suggérer. Y prendre goût, jusqu’à s’illusionner en des émois semi-factices, aider le sortilège de quelque bonne volonté, afin de voir, quand même, à tout prix, se tramer, sur la transparente et les pâlissements de l’ambiante pénombre, des formes de belles évanouies, acquérir, à force de patience, une sorte de paradoxale crédulité dont il leur était doux de se duper mélancoliquement les sens, — ils n’y résistèrent pas. En sorte que, bientôt, leurs soirées se passèrent en de subtiles et ténébreuses causeries, qui, parfois, devenaient vaguement visionnaires. Et, l’habitude s’invétérant, des sensations de présences merveilleuses, flottantes comme autour d’eux, leur sont devenues familières.

Maintenant, ils offrent le thé, tous les soirs, à ces visiteuses. Ils s’empressent, — et leurs robes de chambre pou-de-soie, l’une couleur carmélite, l’autre nuance gris minime, aux agréments tabac d’Espagne, puent légèrement le musc, par une prévenance d’outre-tombe dont il leur est su gré peut-être. Au milieu de colloques idéals, ils ressentent le parfum d’approches charmantes, d’une ténuité fugitive, il est vrai, mais dont se contente la souriante mélancolie de leur pimpante sénilité. En cette petite ville, dont ils ont su annuler le voisinage, leur arrière-saison s’écoule ainsi, de préfé-