Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/168

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rence en mille vagues bonnes fortunes, aux faveurs rétrospectives, dont ils effeuillent les posthumes roses : et ce sont, le lendemain, de mutuelles confidences, sous l’assombrissement des hautes ramures que froissent les souffles du crépuscule, sur le « cours des Belles-Manières ».

Dans le trouble des débuts, ils ont un peu laissé toutes ces dames de l’Histoire défiler en leurs inquiétants petits salons ; mais ils ne flirtent plus, à présent, qu’avec les piquants fantômes du dix-huitième siècle ! Leurs guéridons, aux marqueteries qu’ils parsèment de fleurs du temps, oscillent sous leurs mains galantes, et, comme sous le poids d’ombres gracieuses, se balancent en des allures qui rappellent souvent telles enguirlandées escarpolettes de Fragonard.

(Oh ! l’on se retire vers les dix heures et demie — à moins que des reines ou des impératrices, par hasard, soient venues ; l’on veille, alors, jusqu’à onze heures, par déférence.)

Certes, avec des roquentins vulgaires, un tel passe-temps pourrait entraîner des dangers graves — et de bien des genres : — heureusement, tout au fond de leurs pensées, nos fins et doux personnages ne sont pas dupes !… Comment seraient-ils assez sots pour oublier que la Mort est chose décisive et impénétrable ?… — Seulement, à la vue des gavottes alphabétiques esquissées par leurs guéridons, ces « médianimisés » — d’un christianisme un peu somnolent sans doute, mais inviolable en ses intimes réserves — ont fini par se persuader