Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/223

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« Et il me sembla qu’à la faveur de ce détail moqueur (qu’il fallait imaginer et glisser dans les annales de ta vie), la mémoire de tout le sillon glorieux de tes destinées pourrait sûrement passer à l’Avenir.

« Mais, par Minerve ! où prendre le meilleur artifice, par quel génial éclair le concevoir ? le choisir ?

« Sans lui, je croyais voir s’effacer, dans le lointain des siècles, et se disperser au vent morne qui vient des rivages du Léthé, le beau sable d’or de ta fortune.

« Hier, dès l’aurore, et tout alarmée de ces pensées de la nuit, je sortis, long-voilée, de ce palais, où tu dormais encore, insoucieux du soleil.

« Autour de moi, les marbres d’Athènes, sous nos grands oliviers, étincelaient des feux roses du matin ; là-bas, sur la colline sacrée, le temple de Pallas invitait mes pas. Un souffle des Dieux m’y conduisit.

« Ayant sacrifié à la déesse (qui les aime) un couple de paons, celle-ci m’inspira, devant l’autel même, l’acte merveilleux qui doit, paraît-il, préserver le mieux ton nom des naufrages de l’Oubli, — l’acte dont la méprisante ironie, comme une égide victorieuse, doit rendre le nom d’Alcibiades impérissable. — Ô jeune dieu, ta réelle gloire peut être ignorée des races futures !… ta beauté, ta sagesse, ton courage, l’éclat de ton génie, tout ce que tu as accompli pour ta patrie, déjà par toi