Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/296

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D’autres officiers, des passagers, des voyageurs dînaient aussi autour de nous dans la salle avec de très belles filles du pays.

Tout à coup, au cinquième verre de Xérès, je m’aperçus que l’avis du lieutenant était bien fondé. Je voyais trouble et les fumées dorées de ce vin m’alourdissaient le front avec une intensité brusque. Catalina aussi avait les yeux très brillants ! Et deux cigarettes, qu’elle me tendit après les avoir allumées, décidèrent, entre nous, la griserie la plus imprévue. Elle posa le doigt sur mon verre, cette fois en riant aux éclats, me défendant de boire.

— Trop tard !… lui dis-je.

Et glissant deux pièces d’or dans sa petite main.

— Tiens ! ajoutai-je, tu es trop charmante ! mais… j’ai le front lourd. Je veux dormir.

— Moi aussi, répondit-elle.

Ayant fait signe à l’hôtelier, je demandai la chambre du lieutenant. Nous quittâmes la salle. Il prit un chandelier, dans le plateau de fer duquel il posa une forte pincée d’allumettes ; le bout de bougie, une fois allumé, nous montâmes, éclairés de la sorte. Catalina me suivait, s’appuyant à la rampe, en étouffant son gentil rire un peu effronté.

Au premier étage, nous traversâmes un long couloir à l’extrémité duquel l’hôte s’arrêta devant une porte. Il prit ma clef, ouvrit — et, comme on l’appelait en bas, me tendit vite le chandelier, en me disant :

— Bonne nuit, monsieur !

J’entrai.