Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/298

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la soirée, le lieutenant Gérard, la Catalina, l’anniversaire, le Jerez, tout me revint à l’esprit, en de très nettes lignes de mémoire. Un sentiment de regret vers ma petite villa tranquille des bords de la Marne évoqua, dans ma songerie, ma chambre, mes livres, ma lampe d’étude et les joies du recueillement intellectuel que j’avais quittées. Une demi-minute se passa de la sorte.

J’entendais auprès de moi la paisible respiration de la créole encore endormie.

Soudain, le vent m’apporta le bruit de l’heure sonnant à quelque vieille église, là-bas, dans la ville : c’était minuit.

Chose vraiment surprenante, il me parut — (c’était une pensée tenant encore du sommeil, évidemment, — une absurde, une insolite idée… Ah ! ah ! j’étais bien réveillé, cependant !) — il me parut, dès les premiers coups qui tombèrent du clocher à travers l’espace, que le balancier de ce cadran lointain se trouvait dans la chambre et, de ses chocs lents et réguliers heurtait alternativement, tantôt la maçonnerie du mur, tantôt la cloison d’une pièce voisine.

En vain mes yeux essayaient de scruter l’épaisseur des ombres au milieu de la chambre où ce bruit du battant continuait de scander l’heure à droite et à gauche !

Je ne sais pourquoi, je devenais très inquiet de l’entendre.

Et puis, s’il faut tout dire, le son de ce vent de mer