Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/339

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l’ours, le loup-cervier, le renne, le guépard, l’aigle, — toute une ménagerie ?

Sur mon affirmation, il ajouta, risquant un jeu de mots possible, seulement en français, sorte de calembour de souverain à l’usage des visiteurs :

— À présent, vous voyez le grand-duc. Il y en a par milliers dans le parc de Weimar. C’est le rendez-vous des oiseaux de nuit de l’Allemagne. Je les y laisse vieillir.

Un courrier du tzar, porteur d’un message, survint, conduit par un chambellan. Je m’éloignai. L’instant d’après, le comte Phëdro m’annonçait que l’empereur arrivait à Weimar dans la soirée, et qu’il assisterait, le lendemain, au Vaisseau-fantôme.

Le jour baissait sur les collines derrière le rideau de verdure des frênes et des sapins, au feuillage maintenant d’or rouge. Les premières étoiles brillaient sur la vallée dans le haut azur du soir. Soudain, le silence se fit. — Au loin, un chœur de huit cents voix, d’abord invisible, commençait le Chant des Pèlerins, du Tannhauser. Bientôt les chanteurs, vêtus de longues robes brunes et appuyés sur leurs bâtons de pèlerinage, apparurent, gravissant les hauteurs du Vénusberg, en face de nous. Leurs formes se détachaient sur le crépuscule. — Où d’aussi surprenantes fantasmagories sont-elles réalisables, sinon dans ces contrées, tout artistiques, de l’Allemagne ?… Lorsqu’après le puissant forte final, le chœur se tut, — une voix, une seule voix ! celle de Retz ou de Scaria sans doute, — s’éleva, distincte,