Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/350

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dont le poignard n’attend, pour frapper le Maître, que l’instant où les yeux distraits…

— Qu’on l’arrête !

Tchë-Tang étendit sur Tsë-i-la son sceptre de jade où brillaient des caractères sacrés :

— Continue, dit-il, impassible.

Tsë-i-la reprit alors, en agitant, du bout des doigts, autour de ces joues, un petit éventail en brins d’ébène :

— Si quelque torture pouvait persuader Tsë-i-la de trahir son grand secret en le révélant à d’autres, qu’au roi seul, j’en atteste les Poussahs qui nous écoutent, invisibles, ils ne m’eussent point choisi pour interprète : — Ô princes, non, je n’ai pas fumé d’opium, je n’ai pas le visage d’un insensé, je ne porte point d’armes. Seulement, voici ce que j’ajoute. Si j’affronte la Mort lente, c’est qu’un tel secret vaut également, s’il est réel, une récompense digne de lui. Toi seul, ô roi, jugeras donc, en ton équité, s’il mérite le prix que je t’en demande. — Si, tout à coup, au son même des mots qui l’énoncent tu ressens en toi, sous tes yeux fermés, le don de sa vertu vivante — et son prodige ! — les dieux m’ayant fait noble en me l’inspirant de leur souffle d’éclairs, tu m’accorderas Li-tien-Së, ta fille radieuse, l’insigne princier des mandarins et cinquante mille liangs d’or.

En prononçant les mots « liangs d’or », une imperceptible teinte rose monta aux joues de Tsë-i-la, qu’il voila d’un battement d’éventail.

L’exorbitante récompense réclamée provoqua le sourire