Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/356

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mes yeux, elle te le dira. — Pour toi, couvert d’une superstition protectrice, tu régneras, et si tu ouvres tes pensées à la justice, tu pourras changer la crainte en amour de ton trône raffermi. C’est là le secret des rois dignes de vivre ! Je n’en ai pas d’autres à te livrer. — Pèse, choisis et prononce ! J’ai parlé.

Tsë-i-la se tut.

Tchë-Tang, immobile, parut méditer quelques instants. Sa grande ombre silencieuse s’allongeait sur la porte de fer. Bientôt, il descendit vers le jeune homme — et, lui mettant les mains sur les épaules, le regarda fixement, au fond des yeux, comme en proie à mille sentiments indéfinissables.

Enfin, tirant son sabre, il coupa les liens de Tsë-i-la ; puis, lui jetant son collier royal autour du cou :

— Viens, dit-il.

Il remonta les degrés du cachot et appuya sa main sur la porte de lumière et de liberté.

Tsë-i-la, que le triomphe de son amour et de sa soudaine fortune éblouissait un peu, considérait le nouveau présent du roi :

— Quoi ! ces pierreries encore ! murmurait-il : qui donc te calomniait ? C’est plus que les richesses promises ! — Que veut payer le roi, par ce collier ?

— Tes injures ! répondit dédaigneusement Tchë-Tang, en rouvrant la porte vers le soleil.