Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/360

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ses alentours, les cent quatre-vingt-seize sanctuaires des Dêvas plongeaient les blancheurs de leurs bases de marbre, lavaient les degrés de leurs parvis dans les étincelantes eaux du Gange : les ciselures à jour de leurs créneaux s’enfonçaient jusque dans la pourpre des lents nuages passants.

L’eau radieuse dormait sous les quais sacrés ; des voiles, à des distances, pendaient, avec des frissons de lumière, sur la magnificence du fleuve, et l’immense ville riveraine se déroulait, en un désordre oriental, étageant ses avenues, multipliant ses maisons sans nombre aux coupoles blanches, ses monuments, jusqu’aux quartiers des Parsis où le pyramidion du lingham de Sivà, l’ardent Wissikhor, semblait brûler dans l’incendie de l’azur.

Aux plus profonds lointains, l’allée circulaire des Puits, les interminables habitations militaires, les bazars de la zone des Échanges, enfin les tours des citadelles bâties sous le règne de Wisvamîthra se fondaient en des teintes d’opale, si pures qu’y scintillaient déjà des lueurs d’étoiles. Et, surplombant dans les cieux mêmes ces confins de l’horizon, de démesurés figures d’êtres divins, sculptées sur les crêtes rocheuses des monts du Habad, siégeaient, évasant leurs genoux dans l’immensité : c’étaient des cimes taillées en forme de dieux ; la plupart de ces silhouettes élevaient, dans l’abîme, à l’extrémité d’un bras vertigineux, un lotus de pierre : — et l’immobilité de ces présences inquiétait l’espace, effrayait la vie.

Cependant, au déclin de cette journée, dans Bénarès,