Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/369

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la route, criant différents ordres, et suivis d’un roulis de pesants traîneaux d’où débordaient des trophées, des dépouilles opulentes, des richesses, le butin, entre deux légions de captifs cheminant tête basse, secouant des chaînes et que précédaient, sur leurs massifs chevaux tigrés, les deux rois d’Agra. Ceux-ci, la reine les ramenait en triomphe dans sa capitale, bien qu’avec de grands honneurs.

Derrière eux venaient des chars de guerre, aux frontons rayonnants, montés par des adolescentes en armures vermeilles, saignant, quelques-une, de blessures mal serrées de langes, un grand arc, transversal, aux épaules, croisés de faisceaux de flèches : c’étaient les belliqueuses suivantes de la maîtresse terrible.

Enfin, dominant ce désordre étincelant, au centre d’un demi-orbe formé de soixante-trois éléphants de bataille tout chargés de sowaris et de guerriers d’élite — que suivait de tous côtés, là-bas, l’immense vision d’un enveloppement d’armées — apparut l’éléphant noir, aux défenses dorées, d’Akëdysséril.

À cet aspect, la ville entière, jusque-là muette et saisie à la fois d’orgueil et d’épouvante, exhala son convulsif transport en une tonnante acclamation ; des milliers de palmes, agitées, s’élevèrent ; ce fut une enthousiaste furie de joie.

Déjà, dans la haute lueur de l’air, on distinguait la forme de la reine du Habad qui, debout entre les quatre lances de son dais, se détachait, mystiquement,