Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/374

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l’antique, l’énorme façade écrasée du temple de Sivâ.

Tressaillant — d’un souvenir, sans doute, elle arrêta sa monture, jeta un ordre à ses éléphantadors qui déplièrent les gradins de l’haodah sur les flancs de l’animal.

Elle descendit, légèrement. — Et voici que, pareils à des êtres évoqués par son désir, trois phaodjs, en turbans et en tuniques noirs, — délateurs sûrs et rusés — chargés, certes ! de quelque mission très secrète pendant son absence, surgirent, comme de terre, devant elle.

On s’écarta, d’après un vœu de ses yeux.

Alors, les phaodjs inclinés autour d’elle chuchotèrent, l’un après l’autre, longtemps, longtemps, de très basses paroles que nul ne pouvait entendre, mais dont l’effet sur la reine parut si terrible et grandissant à mesure qu’elle écoutait, que son pâlissant visage s’éclaira, tout à coup, d’un affreux reflet menaçant.

Elle se détourna ; puis, d’une voix brusque et qui vibra dans le silence de la place muette :

— Un char ! s’écria-t-elle.

Sa favorite la plus proche sauta sur le sol et lui présenta les deux rênes de soie tressée de fils d’airain.

Bondissant à la place quittée :

— Que nul ne me suive ! ajouta-t-elle.

Et, de ses yeux fixes, elle considérait l’avenue déserte. Indifférente à la stupeur de son peuple, au frémissement où elle jetait la ville interdite, Akëdysséril,