Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/382

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d’en hâter l’exécution pour assurer, enfin, la stabilité de mon trône et de la paix.

« En cette alternative, mon orgueil frémissant refusa de se diminuer en bravant les remords d’un tel crime. Qu’ils fussent mes captifs, je m’accordais avec tristesse — ô Dieu des méditations désespérées ! — cette inévitable iniquité !… Mais qu’ils devinssent mes victimes… lâcheté d’un cœur ingrat, dont le seul souvenir eût à jamais flétri toutes les fiertés de mon être ! — Et puis, ô Dieu des victoires ! je ne suis point cruelle, comme les filles des riches parsis, dont l’ennui se plaît à voir mourir ; les grandes audacieuses, bien éprouvées aux combats, sont faites de clémence — et, comme l’une de mes sœurs de gloire, Sivâ, je fus élevée par des colombes.

« Cependant, l’existence de ces enfants était un constant péril. Il fallait choisir entre leur mort et tout le sang généreux que leur cause, sans doute, ferait verser encore !

— Avais-je le droit de les laisser vivre, moi, reine ?

Ah ! je résolus, du moins, de les voir, une fois, de mes yeux, — pour juger s’ils étaient dignes de l’anxiété dont se tourmentait mon âme. — Un jour, aux premiers rayons de l’aurore, je revêtis mes vêtements d’autrefois, alors que, dans nos vallées, je gardais les troupeaux de mon père Gwalior. Et je me hasardai, femme inconnue, dans leurs demeures