Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/393

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de victoire et d’amour, les noms de deux ombres vengées ! Et ceci, pendant que mes exécuteurs enverront, l’une après l’autre, du haut des amoncellements qui pourront subsister encore des parvis dévastés, vos têtes et vos âmes rouler en ce Néant-originel que votre espoir imagine !… J’ai dit. »

La reine Akëdysséril, le sein palpitant, la bouche frémissante, abaissant les paupières sur ses grands yeux bleus tout en flammes, se tut. Alors le Serviteur de Sivâ, tournant vers elle sa blême face de granit, lui répondit d’une voix sans timbre :

— « Jeune reine, devant l’usage que nous faisons de la vie, penses-tu nous faire de la mort une menace ? — Tu nous envoyas des trésors — semés dédaigneusement par nos saïns, sur les degrés de ce temps — où nul mendiant de l’Inde n’ose venir les ramasser ! Tu parles de détruire cette demeure sainte ? Beau loisir, — et digne de tes destinées, — que d’exhorter des soldats sans pensée à pulvériser de vaines pierres ! L’Esprit qui anime et pénètre ces pierres est le seul temple qu’elles représentent : lui révoqué, le temple, en réalité, n’est plus. Tu oublies que c’est lui seul, cet Esprit sacré, qui te revêt, toi-même, de l’autorité dont tes armes ne sont que le prolongement sensible… Et que ce serait à lui seul, toujours, que tu devrais de pouvoir abolir les