Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/398

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Deux ascètes, les paupières abaissées selon les rites sacerdotaux, soutenaient, aux extrémités latérales du sanctuaire, les vastes plis sanglants.

Au fond de ce lieu d’horreur, les trépieds étaient allumés comme à l’heure d’un sacrifice. L’Esprit de Sivâ s’opposant, dans les symboles, à la libre élévation de leurs flammes, ces grandes flammes, renversées par les courbures de hautes plaques d’or, réverbéraient d’inquiétantes clartés sur la Pierre des victimes. Au chevet de cette Pierre se tenaient, immobiles et les yeux baissés, deux saïns, la torche haute.

Et là, sur ce lit de marbre, apparaissaient, étendus, pâles d’une pâleur e ciel, deux jeunes êtres charmants. Les plis de neige de leurs transparentes tuniques nuptiales décelaient les lignes sacrées de leurs corps ; la lumière de leur sourire annonçait en eux le lever d’une aube éclose dans les invisibles et vermeils espaces de l’âme ; et cette aurore secrète transfigurait, en uns extase éternelle, leur immobilité.

Certes, quelque transport d’une félicité surnaturelle, passant les forces de sensation que les dieux ont mesurées aux humains — avait dû les délivrer de vivre, car l’éclair e la Mort en avait figé l’expressif reflet sur leurs visages ! Oui, tous deux portaient l’empreinte de l’idéale joie dont la soudaineté les avait foudroyés.

Et là, sur cette couche où les brahmes de Sivâ les avaient posés, ils gardaient l’attitude, encore, où la Mort — que, sûrement, ils n’avaient point remarquée —