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taire sténographiait de brèves ordonnances. Au montant d’une porte veloutée de rouge, à clous d’or, un valet de monstrueuse encolure se dressait, ayant pour office de transporter, l’un après l’autre, les chancelants pulmonaires sur le palier de sortie, — d’où les descendait, en fauteuils spéciaux, l’ascenseur (ceci dès que le sacramentel « À un autre ! » était prononcé).

Les consultants entraient, l’œil vitreux et voilé, le torse nu, les vêtements sur le bras ; ils recevaient, à l’instant, au dos et sur la poitrine, l’application du plessimètre et du tube :

— Tik ! tik ! plaff ! Respirez !… Plaff !… Bien.

Suivait une médication dictée en quelques secondes, puis le fameux « À un autre ! »

Et, depuis trois années, chaque matin, la procession défilait ainsi, banale, de neuf heures à midi précis.

Soudain, ce jour-là, 20 mai, neuf heures sonnant, voici qu’une sorte de long squelette, aux prunelles évoluantes, aux creux des joues se touchant sous le palais, le torse nu, pareil à une cage entortillée de parchemin flasque, soulevée par l’anhélation d’une toux cassée, — bref, un douteux vivant, une fourrure de renard bleu ployée sur l’un de ses décharnés avant-bras, allongea le compas de ses fémurs dans le cabinet doctoral, en se retenant de tomber aux longues feuilles des arbustes.

— Tik ! tik ! plaff ! Rien à faire ! grommela le docteur Hallidonhill : suis-je un coroner bon à