Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/53

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Et il se tambourinait le thorax avec des poings capables de briser le crâne aux plus primés des taureaux du Middlessex.

— Hein ! fit le docteur en bondissant sur ses pieds, — vous êtes… Quoi ! c’est là le moribond qui…

— Oui, mille fois oui, c’est moi ! hurlait le géant : — Dès hier au soir, à peine débarqué, j’ai commandé votre statue en bronze, et je saurai vous faire décerner un terrain funèbre à Westminster !

Se laissant tomber sur un vaste sopha dont les ressorts craquèrent et gémirent :

— Ah ! que c’est bon, la vie ! soupira-t-il avec le béat sourire d’une placide extase.

Sur deux mots rapides, prononcés à voix basse par le docteur, le secrétaire et le valet se retirèrent. Une fois seul avec son ressuscité, Hallidonhill, compassé, blafard et glacial, l’œil nerveux, regarda le géant, durant quelques instants, en silence : — puis, tout à coup :

— Permettez, d’abord, murmura-t-il d’un ton bizarre, que je vous ôte cette mouche de la tempe !

Et, se précipitant vers lui, le docteur, sortant de sa poche un court revolver bull-dog, le lui déchargea deux fois, très vite, sur l’artère temporale gauche.

Le géant tomba, la boîte osseuse fracassée, éclaboussant de sa cervelle reconnaissante le tapis de la pièce, qu’il battit de ses paumes une minute.

En dix coups de ciseau, witchûra, vêtements et linge, au hasard tranchés, laissèrent à nu la poitrine, — que le grave opérateur, d’un seul coup de