Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/79

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tuant, seul, l’entité même de l’Esprit-Humain, a, seul, de droit divin, qualité pour en déterminer et diriger les légitimes tendances !

— Mais, sans daigner juger la mode actuelle des idées septentrionales, le noble songeur et la belle songeuse, détournant les yeux, autant qu’ils le pouvaient, de l’énigmatique performance terrestre, résumaient toujours leurs méditations en cet ensemble de pensées :

Qu’importe à la Foi réelle le vain scandale de ces poignées d’ombres, demain disparues pour faire place à d’équivalents fantômes ?

Qu’importe qu’elles détiennent aujourd’hui, comme hier, comme demain, l’écorce matérielle d’un Pouvoir dont l’essence leur est inaccessible ? Nul ne peut posséder d’une chose que ce qu’il en éprouve. Si cette chose est belle, noble, — enfin, divine d’origine, et qu’il soit, lui, d’essence vile, — c’est-à-dire d’une prudence d’instincts nécessairement abaissante, — la beauté, la noblesse, la divinité de cette chose, s’évanouissant immédiatement au seul contact du violateur, il n’en possédera que son intentionnelle profanation, — bref, il n’y retrouvera, comme en toutes choses, que la vilenie même de son être, que l’écœurante, éclairée et bestiale médiocrité de son être : rien de plus. — Donc il n’y a pas lieu de s’en irriter.

Tels s’attristant, peut-être, quelque peu, de ces fatalités de leur époque, — mais sans oublier qu’il fut des siècles pires, — et se recueillant, chaque jour, en ces visions que l’Art le plus élevé sait offrir