Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est pourquoi, le sachant, je vous ai fait venir ce matin, pour vous unir en mariage, ce qui est accompli. Vos sages et puissantes familles sont prévenues que vous êtes deux époux et le palais où vous êtes attendus est préparé pour le festin de vos noces. Vous y serez bientôt, et vous irez vivre, à votre rang, entourés plus tard, sans doute, de beaux enfants, fleur de la chrétienté.

« Ah ! vous faites bien de vous aimer, jeunes cœurs d’élection ! Moi aussi, je connais l’amour, ses effusions, ses pleurs, ses anxiétés, ses tremblements célestes ! C’est d’amour que mon cœur se consume, car l’amour, c’est la loi de la vie ! c’est le sceau de la sainteté. Si donc, j’ai pris sur moi de vous unir, c’est afin que l’essence même de l’amour, qui est le bon Dieu seul, ne fût pas troublée, en vous, par les trop charnelles convoitises, par les concupiscences, hélas ! que de trop longs retards dans la légitime possession l’un de l’autre entre les fiancés peuvent allumer en leurs sens. Vos prières allaient en devenir distraites ! La fixité de vos songeries allait obscurcir votre pureté natale ! Vous êtes deux anges qui, pour se souvenir de ce qui est réel en votre amour, aviez soif, déjà, de l’apaiser, de l’émousser, d’en épuiser les délices !

« Ainsi soit-il ! — Vous êtes ici dans la Chambre du Bonheur : vous y passerez seulement vos premières heures conjugales, puis, me bénissant, je l’espère, de vous avoir ainsi rendus à vous-mêmes, c’est-à-dire à Dieu, vous retournerez, dis-