Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/98

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comme à Pétersbourg, à New-York, à Vienne, ici même, et dans toutes les grandes villes. C’est le droit du seigneur, demeurant toujours le même et se monnayant, à présent, en droit du patron sur « ses petites ouvrières », du propriétaire sur ses bonnes, du passant sur les affamées. C’est le Progrès. La faim, l’isolement, les mauvais traitements de la famille, la paresse, le pavé, les guenilles, l’exemple, l’idée d’un bien-être, d’une sorte d’âcre vengeance sont partout des moyens qui dispensent les libertins d’employer la force.

Ceci est éternel, et les chiffres fournis par les statistiques européennes sont tels qu’il sera difficile d’y remédier de longtemps. Paris, je vous assure, n’a que faire de chambres matelassées et personne, même, ne trouve nécessaire de prier un orgue de Barbarie de jouer sous les fenêtres, comme dans Fualdès, pendant l’instant psychologique, attendu que les Parisiennes ne jettent pas les hauts cris pour si peu. Elles s’en vont, leur salaire en poche, en chantonnant Il bacio, les Cerises ou Tant pis pour elle ! et tout est dit. — Je ne vois donc pas pourquoi vous reprochez à Paris les facilités qu’il offre, au contraire, à vos assouvissements.

L’un de mes interlocuteurs, avec un sourire pâle et fatigué, secoua la tête :

— À Paris, les jeunes filles, les enfants ne crient pas, dites-vous ?… Eh ! c’est là, justement, ce que plusieurs connaisseurs, et nous, entre autres, nous leur reprochons!… Voilà bien les Français avec leurs sens d’oiseaux ! Pour quelques innocentes pri-