Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/111

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dons les faits spontanés de la conscience passée, les croyances, réputées aujourd’hui absurdes, avec

    rante millions d’âmes, lorsqu’il faut quatre-vingt mille lois, un millier de tribunaux toujours exubérants d’affaires, cinq ou six cent mille baïonnettes et quarante ou cinquante mille hommes de police pour les y maintenir ?…

    La durée de la vie moyenne augmente ?… En le supposant, il faut avouer que cette augmentation coûte cher. L’homme a voulu s’affranchir de vieux préjugés ; il désirait « épurer son idéal, » devenir libre, enfin, — suivant son indéfinissable expression. — Le voilà servi à souhait : il n’y a plus que l’artificiel. Les crimes aussi diminuent ; — mais les vices augmentent et l’homme arrive toujours à perdre en profondeur ce qu’il gagne en surface.

    Revenons à la médecine. En face d’une question décisive, — soit celle du sang humain, par exemple, — la science paraît se troubler. Or, en définissant les divers modes de manifestation, les nombreuses variétés de symptômes sous lesquels apparaît son affaiblissement, par le terme vague et général, la chlorose, on trouve, — suivant l’estimation de praticiens éclairés et d’après le recensement des maladies modernes, — on trouve que c’est par millions que les chloroses se comptent en Europe ; ce qui induirait à penser, quoi qu’en puissent dire les zélateurs d’une statistique erronée et embryonnaire, que les forces de constitution décroissent dans les générations humaines en raison du développement intellectuel des sociétés.

    L’on objectera que le « remède suit le mal ! » On mentionnera, par exemple, la découverte du traitement des chloroses par le fer. Les docteurs désintéressés répondront au sujet de l’efficacité du fer. Sur deux sujets choisis et traités dans des conditions identiques par le fer (présenté sous toute formule, lactate, iodure, citrate, etc., peu importe), le résultat sera la mort de l’un et la guérison de l’autre, sans qu’il soit humainement possible de déterminer la raison de cette différence. Ce qui échappe dans l’expérimentation