Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/180

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eussent broyé, sans tumulte ni désordre, ceux qui se fussent trouvés, avec une fâcheuse intention, dans les rouages de ces pierres vivantes. La Fatalité y eût obéi mécaniquement, d’une très-horrible manière. C’eût été comme dans les contes arabes : disparition ! L’éclat de rire y eût été anéanti avec les rieurs dans des ténèbres subites, si, par hasard, il y eût eu de bons vivants parmi les victimes dans cette sombre minute ! Après l’éclair tout fût rentré dans la tranquillité habituelle, tout jusqu’au sourire de la pâle enchanteresse.

De cet état de choses il résultait donc ceci : que la marquise Fabriana pouvait faire à peu près ce qu’elle voulait chez elle, sans être ni vue, ni épiée, ni soupçonnée, ni commentée ; qu’elle n’était, autant qu’il est possible, à la merci de personne, et qu’elle pouvait s’estimer à l’abri de ces incertitudes perpétuelles d’être troublée dans sa solitude.

Nous ajouterons que ces précautions, les eût-on remarquées en partie, n’eussent jamais semblé que toutes naturelles de la part de deux femmes vivant seules, retirées et exposées. La situation isolée du palais aurait suffi pour les justifier.