Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/202

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rois et son mystère, en venait à cette femme !… Son nom formulait toutes ces images.

Elle resta une minute sans parler et s’accouda sur le sphinx.

— C’était, je crois, la dernière enfant de cette dynastie trois fois séculaire des Ptolémées Lagides. Elle descendait du soldat macédonien jeté là par la funèbre indifférence d’Alexandre. Les excès avaient atténué en elle la pureté des lignes de cette beauté grecque transmise à sa race par le soldat. Cependant, grâce aux philtres balsamiques et aux essences dangereuses que lui distillaient les prêtres, elle conservait sa pâleur ambrée et solaire. Ah ! c’était la grande insensible. Elle s’accoudait au fond de la cange sur sa panthère favorite ; les roseaux bruissaient, obstrués par les alligators et les hippopotames. Elle reposait, vêtue de son astrale nudité, sur des étoffes dont les secrets du tissu n’ont pas été retrouvés, et qui étaient les présents des satrapes d’Asie Mineure. Comme le monarque assyrien, elle devait prouver, à huit cents ans d’intervalle, que la mort n’était pour elle qu’une esclave comme les autres. Le triumvir d’Actium