Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/232

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Son attitude abandonnée et son accent tranquille avaient ému le jeune homme, mais il voulut paraître froid, de peur de déplaire.

— Ne lui dois-je pas de vous voir, madame ? répondit-il.

Elle abaissa lentement son regard sur lui ; ce fut une décision.

La nuit dernière a compté pour des années, pensa-t-elle ; ce n’est pas seulement la fièvre qui anime ces yeux plus calmes : voici la trace déjà laissée par les premiers rêves de la passion qui ne peut s’éteindre que sous un religieux mépris ; — c’est bien.

Son âme planait au milieu de ses pensées comme un aigle dans les ténèbres ; mais, sûre d’amener d’une façon bienséante l’instant qu’elle désirait, elle jugea très-inutile de le différer.

— On donnait ce soir un opéra de Cimarosa ; vous m’avez sacrifié cette merveilleuse musique ?

— Je vous entends parler, madame, dit-il d’une voix un peu tremblante.

Les affinités de la voix et de la pensée dont elle savait distinguer les transitions par un magnétisme