Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/240

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ment, de regarder le ciel ; il n’y en avait plus. La nuit s’était faite noire, et c’était un silence extraordinaire, un silence d’abstraction, dans lequel les dernières vibrations de la harpe se mouraient faiblement, harmonieusement…

Ce fut alors qu’il oublia un peu d’aimer pour réfléchir à son insu, et qu’il osa regarder en face de lui.

Depuis la voûte élevée de l’appartement jusqu’à ses pieds, l’atmosphère s’était partagée en deux zones absolument disparates.

La lumière de la lampe l’éclairait lui et toute la partie où il se trouvait ; et il apparaissait comme dans une effusion rayonnante. La partie où devait être Tullia Fabriana roulait des reflux d’ombres ; c’étaient des vagues d’obscurité, lourdes et surtout comme lointaines. Il ne voyait ni le sphinx ni la femme. Il fit un pas ; il aperçut les cariatides, et il lui sembla voir remuer leurs yeux terribles ! Malgré son front lisible et son sourire jeune, il lui sembla que ce n’était pas d’hier qu’il éprouvait le sentiment vertigineux de la vie, et qu’il avait magnifiquement souffert autrefois, dans un passé. Alors, avec un geste éperdu et comme écartant une