Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/62

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les problèmes, — c’est qu’on ne bronche pas plus souvent, ne fût-ce qu’à cause des mouvements du prochain, et qu’on ne tombe pas, à chaque minute, — de par les inévitables conséquences des moindres actions, et grâce à l’imperfection des codes, — sous le coup d’une flétrissante juridiction correctionnelle. Il est à remarquer, du reste, que peu d’hommes échappent toute leur vie à une atteinte quelconque de la loi. Cette affirmation peut surprendre ; mais, dans l’existence la plus retirée et la plus pure, il ne serait peut-être pas impossible, à l’aide d’un minutieux examen, de découvrir au moins une petite tache légale, une trace de démêlé judiciaire. On n’est pas libre de s’éloigner des intérêts universels, si indifférent qu’on puisse être, tout simplement par ce qu’on fait partie des intérêts universels. La vertu, la dignité, le bonheur domestique de chaque particulier ne dépendent-ils pas d’un rien, d’un détail, d’un geste ? Quel serait l’honnête citadin assez sûr de son tempérament pour oser affirmer que, par exemple, l’excès d’un verre de vin, risqué dans les conditions les plus atténuantes, ne le conduira pas aux bagnes par ses