Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/81

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Le duc était d’une beauté vénitienne. Il avait grand soin de lui-même et se tenait avec une netteté exemplaire. Ses cheveux étaient longs et argentés ; sa figure, d’une expression habituellement grave, n’allait point mal à sa stature d’hercule. Sa haute élégance de manières, la spirituelle affabilité de ses attentions, avaient apprivoisé la belle colombe, et c’était bien réellement plutôt sa compagne que sa fille. Leur union s’était définie à force de dignité et de nuances, d’une façon étrangement belle. Le duc était homme du monde. Une partie de sa vie s’était passée en voyages ; les dangers, les aventures, les heures difficiles avaient trempé son expérience, en sorte que la douce Angelia l’avait accepté moins par devoir que par contentement, avec une indifférence amicale et toute chrétienne. C’était, en somme, un coup d’œil satisfaisant que de la voir appuyée à son bras. Mais ils vivaient un peu dans la solitude et voyaient rarement le monde.

Le soir où la duchesse enfanta sa petite fille, toutes les demi-aspirations refoulées, toutes les tristesses des rêves à jamais éteints dans son âme,