Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/82

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le peu de compensations obtenues par les pratiques religieuses et par une dévotion chancelante, elle oublia tout !…

La belle petite fille, aussi, que Tullia ! Bien qu’elle eût les yeux fermés, elle avait déjà comme un sourire sous les doux embrassements de la duchesse Angelia. Enfin, elle ouvrit ses beaux yeux noirs et les mira dans les yeux tout pareils de sa mère. Extases, souvenirs, joies célestes d’une mère ! on ne peut vous analyser. L’éternelle nature est cachée dans le sourire d’une jeune femme qui contemple paisiblement deux molles petites lèvres presser sa mamelle et en accepter la vie !

Plusieurs mois se passèrent.

Déjà le souffle de la beauté caressait et imprégnait d’idéal les purs linéaments de sa forme ; elle était candide, et la lueur de l’âme transparaissait en elle comme la lumière au travers d’une lampe d’albâtre. Ses cheveux étaient aussi ténus que ces fils de la Vierge qui brillent l’été dans la campagne, et aussi soyeusement vermeils que des rayons d’étoiles tissés par les fées de la nuit. Elle marchait seule déjà.