Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/85

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sans se fatiguer, vers sa douzième année, à mener de front plusieurs sciences et plusieurs langages. Le dessin, la sculpture, et surtout la grande musique, étaient ses distractions, et, bien qu’elle leur donnât peu de temps, elle s’y montrait de jour en jour d’un talent remarquable.

Son enfance, à part les facultés pénétrantes de son génie, n’eut pas de ces détails saillants qui font l’orgueil des familles. Sa beauté seule frappait le regard et nécessitait l’attention. Mais aucune parole ne révélait aux personnes la portée de son intelligence, et si elle s’apercevait de l’admiration que lui attirait son extérieur, elle en paraissait toujours attristée et assombrie.

Parfois, le soir, lorsqu’elle trouvait sa mère dans la tristesse, elle s’approchait sans dire un mot, s’asseyait à l’embrasure d’une croisée, et, voyant le duc se promener silencieusement dans les jardins, elle prenait une harpe et chantait des strophes du Dante. Aux premières notes, magistralement enveloppées d’une profonde richesse d’accords, la duchesse Angelia devenait attentive et grave ; le duc s’arrêtait. Une magie était contenue dans les