Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/98

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les mousquetaires et les gentilshommes très-chrétiens du grand siècle en France. On le laisse tranquille et on ne s’en sert presque plus, — si ce n’est dans le moment d’un danger, où l’on juge à propos de s’en souvenir ; — hors de là, le nom de Dieu ne s’emploie guère que pour clore avec dignité une dissertation quelconque, — ce qui est à dire pour dissimuler une gambade d’indifférence.

Ah ! c’est le règne d’un doute sucé avec le lait d’une mamelle artificielle.

L’étonnement de vivre saute aux yeux si continuellement, que la plupart des hommes ne s’en inquiètent plus et que les trois quarts des penseurs européens ne savent plus à quoi s’en tenir. Il s’incarne de jour en jour plus avant, et comme avec un rire silencieux, dans le drame humain. Une espèce particulière d’indifférence, dont les annales de l’histoire ne font pas mention, glace, dans le cœur des individus, le sentiment du devoir ; cet inexpugnable dégoût qui plane au-dessus des fronts, retient les élans du philosophe, du savant et de l’artiste d’une telle sorte que, — à part quelques intelligences d’élite, quelques derniers pro-