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ÉPÎTRE XV.


À MONSIEUR LE PRINCE DE VENDÔME[1],
GRAND PRIEUR DE FRANCE.


(1717)


Je voulais par quelque huitain,
Sonnet, ou lettre familière,
Réveiller l’enjouement badin
De Votre Altesse chansonnière ;
Mais ce n’est pas petite afîaire
À qui n’a plus l’abbé Courtin[2]
Pour directeur et pour confrère.
Tout simplement donc je vous dis
Que dans ces jours, de Dieu bénis,
Où tout moine et tout cagot mange
Harengs saurets et salsifis,
Ma muse, qui toujours se range
Dans les bons et sages partis,
Fait avec faisans et perdrix
Son carême au château Saint-Ange.
Au reste, ce château divin,
Ce n’est pas celui du saint-père,
Mais bien celui de Caumartin,
Homme sage, esprit juste et fin,
Que de tout mon cœur je préfère
Au plus grand pontife romain,
Malgré son pouvoir souverain
Et son indulgence plénière.

  1. Philippe de Vendôme, né le 23 auguste 1655, mort le 24 janvier 1727. (B.)

    — Le prince de Vendôme, exilé pendant neuf ans, était rentré dans son palais du Temple après la mort de Louis XIV, et y avait repris son ancien train de vie. Les coryphées de ses soupers étaient : les abbés Chaulieu, Châteauneuf, Courtin, Servien, de Bussy, de Caumartin, le chevalier d’Aydie, le bailli de Froullay, le chevalier de Caux, le duc d’Aremberg, le président Hénault, et enfin le jeune Arouet. (G. A.)

  2. Cet abbé, grand épicurien, fils d’un conseiller d’État, était mort en 1710. Voltaire en parle dans sa lettre, à Genonville, de 1719.