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Sont passés avec toi dans la nuit du trépas.
Le ciel, en récompense, accorde à ta maîtresse
Des grandeurs et de la richesse,
Appuis de l’âge mûr, éclatant embarras,
Faible soulagement quand on perd sa jeunesse.
La fortune est chez elle, où fut jadis l’amour.
Les plaisirs ont leur temps, la sagesse a son tour.
L’amour s’est envolé sur l’aile du bel âge ;
Mais jamais l’amitié ne fuit du cœur du sage[1],
Nous chantons quelquefois et tes vers et les miens ;
De ton aimable esprit nous célébrons les charmes ;
Ton nom se mêle encore à tous nos entretiens ;
Nous lisons tes écrits, nous les baignons de larmes.
Loin de nous à jamais ces mortels endurcis,
Indignes du beau nom, du nom sacré d’amis,
Ou toujours remplis d’eux, ou toujours hors d’eux-même.
Au monde, à l’inconstance ardents à se livrer,
Malheureux, dont le cœur ne sait pas comme on aime,
Et qui n’ont point connu la douceur de pleurer !




ÉPÎTRE XXXI.


À MONSIEUR DE FORMONT,
EN LUI ENVOYANT LES ŒUVRES DE DESCARTES ET DE MALEBRANCHE.


Rimeur charmant, plein de raison[2],
Philosophe entouré des Grâces,

  1. Variante :
    Ce dernier à mon cœur aurait plu davantage :
    Mais qui peut tout avoir ? Les soirs, le vieux Saurin
    Qu’on ne peut définir, ce critique, ce sage,
    Qui des vains préjugés foule aux pieds l’esclavage,
    Qui m’apprend à penser, qui rit du genre humain,
    Réchauffe entre nous deux les glaces de son âge.
    De son esprit perçant la sublime vigueur
    Se joint à nos chansons, aux grâces du Permesse ;
    Des nymphes d’Apollon le commerce enchanteur
    Déride sur son front les traits de la sagesse.
    Nous chantons quelquefois, etc.
  2. Les vingt-quatre premiers vers de cette épître ont fait aussi partie d’une lettre à Formont, de mai 1731. (B.)